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vendredi 27 juillet 2007

Premier degré / deuxième degré

Il existe un cinéma passionnant dont le principe est de s'autoriser le premier degré. Souvent, dans les salles, face à ce genre de film on peut sentir une certaine crispation, quelques rires mal placés, un peu ostentatoires, qui signifient "là, je ne marche pas" ou "là, vous en faites trop les gars". Si ce cinéma est véritablement prenant, c’est parce qu'il ne cherche auprès du spectateur aucune complicité, il ne propose aucun clin d'oeil, aucune échappatoire à ce qu'il donne à voir. Plus exactement, il existe bien une forme de complicité. On pourrait parler d'un pacte avec le spectateur, un pacte qui signifie "prends ce que je te donne pour argent comptant".
Le réalisateur le plus emblématique de ce cinéma premier degré est Michael Mann. Il ne s'agit pas de s’étendre sur sa méthode de travail extrêmement pointue et documentée, ni sur les heures d'immersion que doivent subir ses acteurs pour devenir un flic, un reporter ou un tueur à gage. Cette méthode documentaire renforce bien sûr la dimension premier degré et surtout la rend complètement acceptable par son réalisme. Non, ce qui est plus intéressant, c'est ce que ça donne sur un écran : un spectacle total qui ne se défroque jamais, qui ne s'allège jamais, ne permet aucune esquive. On a face à ses films, notamment son dernier Miami Vice, l'impression d'une intensité qui ne transige pas. Mise à part la projection de Trouble Everyday de Claire Denis, réalisatrice que l'on pourrait, au moins dans ce cas, considérer comme appartenant à cette tendance premier degré, celle de Révélations est le seul souvenir que je garde d'une salle qui se vide. Car ce cinéma premier degré est fortement antipathique pour une partie du public qui ne supporte pas d'être exclu à ce point du film qu'il regarde. Miami vice est sorti en salle a peu près à la même époque que Little Miss Sunshine. Ces films sont à l'opposé d'un éventail de possibles cinématographiques. Pendant la projection de Little Miss Sunshine, la salle se tordait de rire, jubilait, riant même lorsque ce n'était pas nécessaire, voire souhaitable. Les gens avaient envie d'applaudir. Ils en avaient pour leur argent. Ils venaient de regarder un film qui les rendait complices, qui les satisfaisait à tous les niveaux de leurs attentes. Cependant, ce film, malgré sa distribution et son importante couverture médiatique, nous était présenté comme un petit film indépendant, le petit film qu'il faut voir. A l'arrivée, hormis les affiches dans le métro, on a beaucoup plus entendu parler de ce film que de Miami Vice, qui a été un peu négligé et présenté comme un des blockbusters de l'été. L'impression qu'il en reste après coup est d'avoir vu un blockbuster d'auteur, et un "petit film indépendant" grand public et commercial.


A cette étape là on aurait envie de dire "Vive le cinéma premier degré", mais... En ce moment dans les salles - peu nombreuses et pour combien de temps encore ? - on peut voir Exilé de Johnnie To et nous voilà soudain réconciliés avec le second degré. Probablement moins bon que The Mission, Exilé reste un très bon film de Johnnie To. Pour ses scènes de violence spectaculaires, pour ses scènes de calme et d'humour anodin, pour ce style qui fait de Johnnie To l'héritier le plus crédible de Sergio Leone, plans serrés, longues pauses, montée de la tension avant l'explosion. Abusant des situations impossibles, de rencontres fortuites, d'enchaînements inattendus, par exemple cette préparation du repas au début du film entre des tueurs à gage qui viennent de s'affronter dans un duel à trois (on dirait volontiers truel, mais c'est plus une histoire de maçon), autre renvoi à Sergio Leone et qui rappelle le repas de Breaking News, film très agréable mais plus standardisé qu'il faut impérativement voir pour son plan séquence inaugural. Le film abuse aussi d'un humour à répétition, qui ferait presque penser aux films de Zucker par son systématisme, par exemple s’en remettre systématiquement au pile ou face pour toutes les décisions à prendre, cette route / l’autre, on le fait / on le fait pas, on y retourne / on n'y retourne pas... Résultat : on s'attache terriblement à ces personnages un peu paumés dont le premier degré des silhouettes, le look et l'attitude too much sont contrebalancés par l'humour des situations et l’imprévu de leurs réactions, en un mot par le second degré. C'est ce second degré qui donne envie d'opposer Johnnie To et John Woo, réalisateur premier degré, que certains rapprocheraient un peu facilement. John Woo, sur le visage duquel on n'imagine aucun sourire lors de l'énième envol de pigeons de Mission Impossible 2. Johnnie To est bien plus grand que John Woo, et Johnnie To (ou tard) sera reconnu à sa juste valeur.

lundi 30 avril 2007

Comment parler des films que l'on n'a pas vus ?

Sans m'envoyer aucunement des fleurs, enfin juste le nécessaire, je suis devenu un expert dans cette discipline particulière qui consiste à parler des films que l’on n’a pas vus. En ce sens je me permets de plagier Pierre Bayard et son succès "Comment parler des livres que l'on a pas lus ?". Bien sûr, comme vous vous en doutez, ce livre remarquable de l'ami Bayard, je ne l'ai pas lu. Cela ne m'empêche pas d'en parler et c'est bien là le sujet de ce post, que bien sûr vous n'êtes aucunement obligé de lire, etc. Je ne connais donc pas le livre de Bayard, mais comme lui et comme tout le monde, je sais qu'il existe par exemple des livres qu'on ne lit pas mais qu'on "relit".
Passons, ne sommes-nous pas ici pour parler de cinéma ?
De quoi a-t-on besoin pour parler de film que l’on n’a pas vus ? Et bien, avant toute chose, il faut aimer le cinéma. Et oui, car on peut aimer le cinéma et ne pas y aller très souvent, il n’y a pas que du bon sur nos écrans. Il faut donc, dis-je, aimer le cinéma, et lire sur le cinéma. Je dis lire, je pense à la presse, mais en fait la radio et la télé - enfin la télé pas vraiment - peuvent aussi apporter des informations fort utiles. Il faut particulièrement être sensible aux génériques et avoir une bonne mémoire des noms. Je pars du principe que pour commenter n'importe quel film il faut connaître quelques noms de sa distribution et le nom du réalisateur. Si vous avez déjà vu un film du même réalisateur, alors c'est la situation idéale. Car il est rare d'être vraiment à coté de la plaque en jugeant un film à travers le précédent du même réalisateur, vous suivez ? Le cas échéant, si vous sentez que vous allez vous faire piéger, n'hésitez pas à citer le film que vous connaissez en disant que de votre point de vue il était meilleur, ou du moins que le réalisateur faisait alors preuve de plus d'audace. Prenons le cas de... hum c'est moins facile quand on écrit, laissez moi le temps de faire un tour sur google... prenons donc le cas d'Alejandro González Iñárritu : "oui 21 grammes est un bon film, j'admets qu'il a un style, mais je pense que le film vaut surtout par sa distribution, Sean Penn est impeccable comme toujours quand il en fait pas des caisses, et ça fait plaisir de retrouver Naomi Watts en bonne forme. En effet, on ne peut pas dire que depuis Mulholland Drive elle ait beaucoup brillé. Ceci dit, je ne sais pas si tu as vu le premier film d' AGI, Amores Perros (ne jamais hésiter à citer les films en VO, vous n'êtes pas à l'abri de passer pour un blaireau, mais ça n'a jamais tué personne), mais c'était autre chose. Quelle intensité ! 41 grammes à coté c'est carrément Hollywood. Par contre, je pense que tu m'en voudras pas de passer rapidement sur Babel, dans lequel AGI poursuit son parcourt Hollywoodien en embauchant Brad Pitt. Là c'est plus un style qu'il a, ce sont carrément des tics et ce scénario, ces différentes histoires aux 4 coins du monde, ce propos "tout est lié", "le monde est petit" est pour le moins douteux."
Bon, vous vous en doutez surtout si vous avez vu les films, je n'en ai vu qu'un... Mulholland Drive. Il est évident qu'il peut vous arriver de vous retrouver le bec dans l'eau. Il vous faut alors êtres prudent et toujours avoir des données sûres. C'est pour ça qu'il faut s'intéresser au cinéma, et connaître les noms d'un max de gens.



Faisons un exercice pratique. Si je prends par exemple Mulholland Drive, film que j'ai vu me direz-vous, voici ce que j'aurais pu en dire si je ne l'avais pas vu. Mettons que j'ai vu Lost highway, le précédent film de David Lynch, si vous ne savez pas que Mulholland Drive est un film de David Lynch, la démonstration s'arrête ici... que je connaisse l'affiche, que j'ai vu la moindre bande annonce, sur internet, à la télé, alors si je décide que j'ai aimé je peux dire :
"Mulholland Drive ça m'a vraiment secoué, c'est vrai qu'on y comprend pas grand chose, mais c'est vraiment un cinéma sensoriel, qui agit sur tous les sens du spectateur. Ce travail incroyable sur le son, c'est le seul à travailler autant sur la matière sonore de es films, déjà dans Lost Highway, mais même pour la télé dans Twin Peaks, je me souviens le son lent et répétitif du lourd ventilateur au plafond - au fait tu sais que Mulholland Drive devait être une série télé au départ ? Puis y a les actrices, elles sont super bonnes (ou magnifiques selon votre style personnel). Je suis sorti de la salle, il faisait encore jour je me sentais complètement déconnecté du monde. Une vraie claque !"
Vous allez me dire : "Tu as vu le film. Facile pour toi", oui je vous autorise à me tutoyer, et bien je vous propose le test suivant : vous reprenez le même texte, vous supprimez les "actrices super bonnes" (Laura Dern, c'est pas mon genre), vous remplacez Lost Highway par Mullholland Drive, vous supprimez "devait être une série télé", vous remplacer "une vrai claque !" par "une expérience inédite !". Enfin, dernier ajustement, il faut ajouter "Cette fois DL est allé encore plus loin dans l'expérimentation. Il a trouvé une vraie liberté dans l'usage de la DV".
Comme vous l'avez compris, vous ajoutez à cela une touche personnelle, quand même il ne faut pas tout attendre prémâché, et vous avez une critique de Inland Empire, que je n'ai pas vu, comme il se doit.
Vous avez aussi le droit de choisir de ne pas avoir aimé le film, alors bien sûr vous inversez tout. "DL va trop loin, c'est purement expérimental et imbitable, puis on en a marre de ces gimmicks, de sa fumée, de ses nains (même s'il n’y en a pas, personne ne vous reprochera cette approximation), depuis Lost Highway, largement meilleur, on connaît la méthode, je filme, je monte n'importe comment pour t'embrouiller, je fous des bruits bizarres partout, je noie le tout sous des couches de musique violon(euse, esque, ...) d'Angelo Badalamenti et hop, je passe pour un grand artiste. Je me demande si au bout du compte son meilleur film n'est pas Une Histoire vraie, là au moins il y avait une vraie authenticité."

Bon voilà, à vous de vous amuser à ce petit jeu désormais. Mais surtout, si je peux vous donner un conseil, vous devriez voir Lost Highway, Mulholland Drive et Une Histoire vraie. Ce sont d'excellents films.
Enfin, je dois vous avouer que souvent alors que j'aide les gens à trouver le titre d'un film, le nom d'un acteur, ou autre, une fois que j'en ai bien parlé je n'hésite pas à dire que je n'ai pas vu le film c'est souvent plus drôle.
"...tu sais le moment où...
- Je sais pas, je l’ai pas vu."